Je rentre de la place de la République.

Il m'aurait été impossible de ne pas y être ce soir.

Je suis arrivé dans les premiers vers 17h, et je suis allé m'installer tout contre la colonne centrale, là où sont gravées les grandes dates de l'histoire de la République.

Rapidement, une foule immense a envahi l'espace.

Pendant quatre-vingt dix minutes, tout le monde est resté silencieux et recueilli. Beaucoup de bougies étaient allumées. Comme il y avait du vent, elles s'éteignaient de temps à autre, et il fallait demander à une personne proche de se faire communiquer la flamme, tout comme la démocratie est fragile mais se construit en s'épaulant les uns les autres. Quelqu'un de Reporters sans Frontières a fait un discours, simple et émouvant. Puis des mots spontanés ont jailli, repris par la foule. Tous étaient bienveillants, chaleureux, résolus et confiants dans l'avenir. Quelqu'un a dit qu'il était dommage de devoir attendre un événement aussi abominable pour savoir se rassembler.

Quand j'ai voulu partir, la foule était si dense et si nombreuse qu'il m'a fallu quarante minutes pour aller de la colonne à l'extérieur. La place et ses abords étaient couverts de monde ainsi que les rues adjacentes. Je n'avais jamais vu autant de personnes place de la République, même le soir du 10 Mai 1981. Quand je suis sorti, je me suis aperçu que mes vêtements étaient parsemés de taches de bougie.

Parmi tous les morts d'aujourd'hui, je pense plus spécialement à Cabu. J'ai grandi avec ses dessins dans Pilote, il a façonné une partie de mon sens de l'humour, de mon intelligence et de ma vision de la vie. Ses dessins étaient pétris d'un humour merveilleux accompagné d'une gentillesse absolue.

J'avais toujours espéré que le grand Duduche et la fille du proviseur finiraient par vivre heureux ensemble...

Jean-Michel

7 janvier 2015 place de la République

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